Photographier la Voie lactée

Introduction

C’est une nuit d’été magnifique. Vous levez les yeux. La Lune n’est pas encore levée. Au zénith, un ruban d’étoiles s’étire du nord au sud et scintille de mille feux. C’est la Voie lactée, notre galaxie. Son nom nous viendrait de la mythologie grecque. Zeus, en voulant rendre son fils Hercules immortel, lui fit téter le lait de sa femme Héra pendant qu’elle dormait. Lorsqu’elle arracha Hercules de son sein, une giclée de lait se répandit dans le ciel et forma la Voie lactée.

Comme les milliards de galaxies de son genre, la Voie lactée possède une forme de disque. Comme nous vivons « dedans », nous le voyons par la tranche. Le diamètre de la Voie lactée est estimé à 100 000 années lumière (10^17 km !), et elle compte environ 100 milliards d’étoiles. Sous un ciel très noir, ce fourmillement d’étoiles, dont la lumière a mis plusieurs centaines d’années à nous parvenir, peut projeter votre ombre au sol. Cette ombre vient donc du passé. Il en sera de même lorsque vous photographierez la Voie lactée : vous réaliserez des clichés… du passé.

La Voie lactée dans son intégralité. Pour réussir cette image, des sessions de prises de vues ont été réalisées dans les deux hémisphères d’avril 2016 à septembre 2017.

Le bulbe de la Voie lactée

Le bulbe (ou « noyau ») est la région de la Voie lactée la plus spectaculaire à observer et à photographier. Située entre les constellations du Scorpion et du Sagittaire, c’est une région riche en étoiles, en nébuleuses colorées et en nuages de poussières sombres.

Le bulbe galactique et Zeta Ophiuchi. Un panoramique céleste s’étendant du bulbe galactique jusqu’à l’étoile Zeta Ophiuchi, autour de laquelle se trouve immense nébuleuse d’hydrogène ionisé rouge.

Mais depuis la France, nous n’en voyons qu’une moitié. Pourquoi ? Car quel que soit l’endroit où l’on se trouve sur la planète, il n’est pas possible de voir la Voie lactée en entier. Ainsi, en France, la Voie lactée est « coupée » par l’horizon sud au niveau du bulbe galactique. Si vous avez donc la chance de voyager vers l’hémisphère sud, vous pourrez admirer le bulbe en entier car il sera plus haut dans le ciel. Ne manquez alors pas l’occasion de vous isoler sous des cieux bien noirs afin de le photographier.

Du noir et blanc… à la couleur !

Si la Voie lactée vous apparaît à l’œil nu en noir et blanc, vous aurez la surprise de constater que votre appareil photo, beaucoup plus sensible, la voit en couleurs ! Surtout si vous le braquez en direction du bulbe galactique, riche en nébulosités colorées et en vieilles étoiles dorées.

Préparez votre sortie

Comment repérer la Voie lactée ?

Bien que la Voie lactée soit visible une grande partie de l’année en France, son bulbe n’est visible qu’à partir de la mi-avril en fin de nuit, jusqu’à mi-septembre en début de nuit. Pour le trouver, repérez les constellations du Scorpion et du Sagittaire (voir carte ci-dessous) sur l’horizon sud. Vous devrez aussi attendre que la Voie lactée soit haute dans le ciel (au moins 60° de hauteur). Vérifiez enfin les heures de lever et de coucher de la Lune car elle ne devra pas être levée quand vous prendrez vos clichés. À l’aide de logiciels planetarium comme Stellarium ou Cartes du Ciel, vous pourrez facilement simuler tous ces paramètres.

Une carte pour repérer le bulbe de la Voie lactée
Une carte pour repérer le bulbe de la Voie lactée. Il se trouve entre les constellations du Sagittaire et du Scorpion. Depuis l’hémisphère nord, fin juin, vers minuit, cette région se trouve très bas sur l’horizon sud. Capture d’écran : Stellarium.

Où photographier la Voie lactée ?

Vous devez repérer un endroit bien épargné par la pollution lumineuse sur l’horizon sud pour réussir vos clichés de la Voie lactée et de son bulbe. Pour cela, une carte de pollution lumineuse (faites une recherche sur internet) vous sera d’une aide précieuse. Les meilleurs endroits en France pour réaliser ces clichés sont les régions montagneuses (à condition de monter sur les hauteurs) ou encore la Bretagne du sud. Les zones faiblement peuplées sont aussi très intéressantes (Drôme, Quercy…). Cependant, si vous n’avez pas accès à un horizon sud dégagé, la partie zénithale de la Voie lactée est aussi très intéressante et fourmille d’étoiles, surtout en été.

Comment surveiller la météo ?

Bien sûr, évitez les nuages. Multipliez vos sources d’informations météo afin d’obtenir une prévision fiable. Je vous conseille de consulter 3 modèles météo différents avant de planifier une sortie astronomique. En voici certains : www.meteociel.fr, www.meteoblue.ch et bien sûr www.meteo.fr. Le site Windy propose également des prévisions de couverture nuageuse interactives très utiles.

L'application Windy
L'application Windy. Elle propose des cartes interactives de prévision de couverture nuageuse extrêmement intéressantes.

Quel matériel utiliser ?

Quel appareil photo utiliser ?

N’importe quel appareil permettant de faire des poses suffisamment longues peut faire l’affaire. Mais pour ce sujet très exigeant, un appareil réflex ou hybride sera plus performant car souvent moins bruité dans les hautes sensibilités. Le must est le réflex dit « défiltré ». En effet, le rouge intense de certaines nébuleuses est coupé par un filtre placé devant le capteur de votre appareil. Certaines sociétés se proposent d’opérer votre boîtier et de remplacer ce filtre par un autre, plus tolérant. Attention, après la modification, vous risquez de perdre la garantie constructeur.

Quel objectif choisir ?

Tout dépend des photos que vous souhaiterez prendre. Évitez les focales trop longues (plus de 135 mm) car la Terre tourne et sans dispositif de suivi, vos étoiles deviendront ovales en moins de 5 secondes. Un objectif ouvert à F2.8 ou moins est idéal. Une optique moins lumineuse peut convenir, à condition de monter en sensibilité ou de multiplier les poses.

Quels accessoires ?

Un trépied est indispensable, ainsi qu’une télécommande pour ne pas faire vibrer l’appareil lors du déclenchement (utilisez le retardateur sinon). Pour les panoramas, une rotule panoramique vous sera utile. Bien sûr, n’oubliez pas une deuxième batterie, votre lampe frontale (avec un éclairage rouge pour ne pas vous éblouir). Enfin, couvrez-vous bien, car même l’été, les nuits peuvent être fraîches.

Du matériel pour photographier la Voie lactée
Du matériel pour photographier la Voie lactée. Un appareil Canon EOS 6D, deux objectifs Samyang 14 mm F2.8 et Canon 135 mm F2 L et une rotule panoramique Bushman Gobi.

Paysages et Voie lactée

Quels réglages utiliser ?

Vérifiez que votre boîtier est en mode RAW. Sinon, la compression des images va détruire les étoiles les plus faibles et votre photo perdra des détails. Ouvrez votre objectif au maximum. Déterminez ensuite le réglage ISO : sur mon EOS 6D, je reste la plupart du temps à 3200 ISO.

Dernier réglage : le temps de pose. Comme la Terre tourne sur elle-même, plus vous utiliserez une focale longue, plus le temps de pose doit être court pour obtenir des étoiles qui ne soient pas trop ovales. Vous devez vous fixer une tolérance. Avec le 14 mm F2.8 j’utilise un temps de pose de 25 secondes. Avec le 135 mm L F2, le temps de pose que j’utilise chute à… 5 secondes.

Vous pouvez obtenir une bonne indication du temps de pose maximal à l’aide de la règle des « 500 » : elle est égale à 500 divisé par la longueur focale de votre objectif. Ainsi, à 17 mm : 500/17 = 29 secondes.

Comment faire la mise au point ?

Le meilleur moyen est de viser une étoile brillante et de la grossir au maximum avec le liveview. Faites ensuite la mise au point manuellement : l’étoile doit devenir aussi petite que possible. Soyez exigeant si vous utilisez une optique très ouverte (moins de 2.8) : la mise au point est très délicate et il y a un risque pour que votre photo soit floue. Attention, la position « infini » de votre objectif est rarement le bon réglage.

Si vous souhaitez avoir un premier plan proche et net :

  • Faites la mise au point sur ce premier plan en vous aidant d’une lampe torche.
  • Privilégiez une optique avec une courte distance focale (ex : 14 mm) pour avoir à la fois le premier plan net et les étoiles nettes : la distance d’hyperfocale est comprise entre 2 et 3 mètres pour un objectif de 14 mm ouvert à F2.8, contre environ 13 mètres pour un 24 mm ouvert à F1.4.

Composition

Pensez à toujours relier le ciel et la Terre : incluez toujours au moins un élément terrestre dans votre composition. Et bien sûr, appliquez les règles élémentaires de composition d’une photographie (règles des tiers, lignes de forces, etc.).

La Voie lactée se reflète dans l’eau sur une plage du Morbihan
La Voie lactée se reflète dans l’eau sur une plage du Morbihan. Addition de 6 poses de 25 secondes, Canon EOS 6D, Samyang 14 mm à F2.8, 3200 ISO.
Aux naufragés de l’espace…
Aux naufragés de l’espace… Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les phares sont d’excellents sujets pour photographier la Voie lactée. Leur faisceau n’est gênant que si l'on se trouve en face de celui-ci. Canon EOS 6D, Samyang 24 mm F1.4 à F2.2, 3200 ISO. Pose unique de 20 secondes.

Prenez une série de photos identiques pour diminuer le bruit

Si vous comptez prendre un peu de temps pour traiter votre image sur ordinateur, prenez une série de photos identiques (même cadrage, même temps de pose, même sensibilité) pour diminuer le bruit de l’image finale. En effet, vous pourrez les empiler pour simuler une exposition plus longue.

Traitement de l’image

La prise de vue réalisée, il vous faut traiter votre image sur PC. Je vous invite à lire l’article suivant : traitement des images de la Voie lactée.

Problèmes et solutions

  • Ma photo est sous exposée ou trop bruitée : augmentez le temps de pose, l’ouverture, ou la sensibilité ISO. Vous pouvez aussi multiplier les prises de vues pour les empiler avec un logiciel de traitement d’images et ainsi diminuer le bruit.
  • La nuit est claire, mais mes photos sont « orange » : votre site est probablement touché par la pollution lumineuse. Vous pouvez retoucher votre photo dans Photoshop (en diminuant la saturation de la zone concernée), mais rien ne remplacera un ciel pur. Attention toutefois, au niveau de l’horizon, vous n’obtiendrez jamais de ciel noir.

Un « zoom » dans la Voie lactée

En réalisant un « zoom » dans certaines régions bien ciblées de la Voie lactée, vous révélerez les couleurs et les détails de notre ciel étoilé. On aborde alors le (très) vaste sujet de l’astrophotographie du ciel profond…

Messier 8 et Messier 20, les nébuleuses de la Lagune et de la Trifide. Ces deux jolies nébuleuses très brillantes et très proches l’une de l’autre se trouvent dans la constellation du Sagittaire, non loin du bulbe galactique.

Le matériel

Pour réaliser ce type de cliché, vous devez vous équiper d’une monture équatoriale. Il s’agit d’un système motorisé permettant de suivre le déplacement des étoiles dans le ciel. Une fois alignée vers le pôle nord céleste (ou sud pour les habitants de l’hémisphère sud), une monture équatoriale permet de lancer de longues poses photographiques sans que les étoiles ne « filent ». Celles-ci restent ponctuelles, même avec des focales importantes et des temps d’exposition importants. Je vous recommande pour débuter d’opter pour une petite monture équatoriale pouvant se monter sur votre trépied photographique : Skywatcher Star Adventurer et Star Adventurer Mini, iOptron Skytracker, Vixen Polarie… Elles coûtent entre 150 et 400 €. Côté optique, armez-vous d’un objectif d’au moins 50 mm et suffisamment ouvert (F4 maximum).

Un excellent matériel pour débuter : une monture équatoriale Skywatcher Star Adventurer, un appareil réflex Canon EOS 6D et un Canon 300 mm F4L.
Une monture équatoriale Skywatcher Star Adventurer. Équipée d’un réflex avec son téléobjectif, c’est un excellent matériel pour débuter la photographie du ciel profond.

Quelques idées de cibles

  • En hiver : la constellation d’Orion.
  • En été : le bulbe de la Voie lactée et les nébuleuses de la Trifide (M20) et de la Lagune (M8).
  • Toujours en été : la constellation du Cygne (au zénith).
  • Fin d’été / début de l’automne : la grande galaxie d’Andromède (M31).
  • En automne : l’amas ouvert des Pléiades (M45).

Attention, certaines cibles (Orion, M31, M45) se trouvent en périphérie du disque de la Voie lactée. Aidez-vous d’un logiciel planétarium pour les repérer comme Cartes du ciel.

Sur le terrain

Avant d’aligner votre monture équatoriale sur le pôle céleste de votre hémisphère (la mise en station), vous devez équilibrer au mieux votre équipement. Tournez les axes de votre monture et vérifiez qu’il n’y a pas de balourd important. Si vous utilisez un objectif lourd avec une monture légère, il est probable que vous ne puissiez pas équilibrer parfaitement votre montage : vous devrez raccourcir les poses si vous rencontrez des problèmes de suivi (étoiles ovales au centre de l’image) Ceci fait, procédez à la mise en station.

Réalisez ensuite une mise au point manuelle sur une étoile brillante puis cherchez l’objet ciblé. Cette étape peut être un peu laborieuse, surtout si vous utilisez un objectif de grande longueur focale et que l’objet n’est pas visible à l’œil nu.

Si vous pensez être sur votre cible, serrez les freins de votre monture sans exagérer car vous aurez probablement à les desserrer pour corriger votre cadrage, ce qui fera bouger votre montage et votre mise en station. Augmentez le réglage ISO de votre appareil (12 800 par exemple) et lancez une pause de quelques secondes. Si vous ne la voyez pas, il est probable que vous ayez visé à côté… Une fois que tout est bon, serrez les freins (inutile de serrer trop fort), baissez votre réglage ISO et lancez votre acquisition avec les temps de pose unitaires indiqués ci-dessous. Accumulez-en le plus possible, 2 à 3 heures de pose est une très bonne base !

Le temps de pose

Le temps de pose unitaire à utiliser dépend de beaucoup de facteurs. Le principal d’entre eux est la longueur focale de l’objectif avec lequel vous travaillez.

Pour une petite monture, retenez les valeurs suivantes :

  • 50 mm et moins : 2 minutes.
  • Entre 50mm et 150 mm : 1 minute.
  • 150 mm et plus : 30 secondes.

Traitement de l’image

Réalisez darks et flats, puis combinez-les avec vos poses unitaires sur ordinateur pour obtenir l’image finale à l’aide d’un logiciel comme Deep Sky Stacker. Pour tous les détails, je vous invite à consulter mon livre électronique : Astrophotographie avec un réflex.

Astrophotographie avec un réflex (ou un hybride…)

Pour vous aider à débuter ou progresser en astrophotographie avec votre réflex ou votre hybride, j’ai réuni en un livre électronique de 213 pages des techniques issues de plus de 15 années de pratique de la discipline.

Au sommaire :

  • Pour chaque thème, des expériences terrain et un tutoriel détaillé de traitement avec Photoshop.
  • Voie lactée et arches de Voie lactée.
  • Aurores boréales.
  • Pluies d’étoiles filantes.
  • Ciel profond (nébuleuses, galaxies…) (43 pages).
  • Lune et comètes.
  • Visites virtuelles.
  • Imprimer ses astrophotographies.

Pour aller plus loin…