Découverte de la nébuleuse planétaire FoGl 1

Les nébuleuses planétaires

Une nébuleuse planétaire est un objet astronomique ayant l’aspect d’un disque. En raison de cet aspect, semblable à celui des planètes, l’adjectif « planétaire » a été choisi. Mais on sait maintenant que les nébuleuses planétaires n’ont en fait aucun rapport avec les planètes : il s’agit d’une nébuleuse en émission constituée d’une coquille de gaz en expansion éjectée par une étoile centrale en fin de vie.

Contexte de la découverte

Par convention internationale, tout nouvel objet céleste découvert porte le nom de son découvreur, suivi d’un numéro. C’est un véritable rêve de passionné. Avoir son nom parmi les étoiles pour l’éternité… wow. Les amateurs qui ont réussi ce petit exploit sont très peu nombreux, peut-être moins d’une dizaine en France.

Découvrir un objet céleste nouveau est un graal extrêmement difficile à atteindre, d’autant plus que les équipements des amateurs restent bien modestes face à ceux des scientifiques. Cependant, dans l’hémisphère Sud, tout est encore jouable, mais pas pour très longtemps encore car de plus en plus d’observatoires pilotés à distance sont installés au Chili. Après avoir manqué de peu une occasion sur une acquisition réalisée là-bas en 2016, j’ai décidé de retenter ma chance sur mon voyage 2018 en visant une zone située dans la constellation du Centaure, a priori vierge de toute exploration approfondie. Malheureusement, mes trouvailles étaient déjà toutes référencées… Nouvelle déconvenue.

Mais j’avais aussi décidé de réaliser une image de la bien connue nébuleuse de la Tarentule (NGC 2070), située dans le Grand Nuage de Magellan. Cette galaxie, très proche de notre Voie lactée, est parfaitement visible à l’œil nu depuis l’hémisphère Sud. Je n’y cherchais alors rien de particulier, si ce n’est réaliser une belle image.

Stargazing
Stargazing. Mon matériel dans le désert d’Atacama au Chili, pointant vers le Grand Nuage de Magellan (la « tache blanche » au-dessus de la cabane). Je ne savais alors pas qu’il était en train de capter de la lumière émise par un objet inconnu.

Pour réaliser l’image, j’ai décidé d’utiliser une technique d’imagerie bien connue mais très très peu utilisée sur cet objet céleste, ce qui m’a permis de réaliser la découverte. Elle a la particularité de filtrer très sévèrement les ondes lumineuses émises par les astres (surtout avec les filtres que j’emploie, des filtres de 3nm de bande passante).

De retour à la maison, une petite tache bleue m’intrigue en traitant l’image sur mon ordinateur. Elle apparaît un peu dans l’Hydrogène-alpha (Ha), beaucoup dans l’Oxygène III ([OIII]), et pas du tout dans le Soufre II ([SII]), comme le montre l’animation suivante :

Découverte de la nébuleuse planétaire possible FoGl 1
Découverte de FoGl 1. Elle n’apparaît qu’en Hydrogène Alpha (Ha) et en Oxygène III ([OIII]).

Identification de l’objet

Ne m’attendant à rien tant la zone a été ratissée, je décide par simple curiosité de chercher son petit nom dans la base de données Simbad du centre de données astronomiques de Strasbourg. Cette base de données est une référence mondiale et répertorie tous les objets astronomiques connus dans le ciel : nature, coordonnées, etc. Et je n’y trouve rien… de rien.

Le logiciel Aladin
Le logiciel Aladin. Il permet de parcourir la base de données astronomique Simbad. Après calibration astrométrique de mon image, Aladin identifie tous les objets connus dans Simbad par des petits carrés jaunes.

Sous le curseur violet (au milieu), ma découverte : elle ne semble pas connue !

Perplexe, je continue mes vérifications dans d’autres bases de données. Toujours rien. Je vérifie mes 7 heures d’acquisitions à la recherche d’un défaut. Tout est correct et les signaux sont francs : la nébuleuse existe bien.

Echanges avec Pascal Le Dû

Je prends ma plus belle plume et je contacte Agnès Acker, puis Pascal Le Dû, le nouveau référent national sur le sujet pour lui faire part de ma trouvaille. Mon palpitant est à son maximum, je me relis plusieurs fois. Voici ce que je lui envoie :

«

Bonjour Pascal,

De retour du Chili où je suis parti avec tout mon matériel pour l’astrophotographie (plus de 60kg avec la CCD, la monture et plein d’autres choses), je commence à regarder mes images. J’y ai notamment réalisé une acquisition en bande étroite sur le Grand Nuage de Magellan (SHO). Et en examinant l’image, j’ai trouvé une petite tache bleue suspecte aux coordonnées suivantes : 05:40:54.77 -69:26:46.0

J’ai vérifié dans Aladin et aucun objet n’apparaît à ces coordonnées dans Simbad. J’ai interrogé le site de l’IRSA et n’ai rien trouvé non plus dans toutes longueurs d’ondes (même après des « stretchs » réalisés sur les images). Après multiples vérifications, je suis sûr d’être à la bonne position car la petite boule bleue se trouve à côté de NGC 2091. J’ai ensuite examiné mes acquisitions : il ne s’agit pas d’un artefact de traitement ni d’un rayon cosmique.

La candidate apparaît un peu en Ha, beaucoup en [OIII] et pas du tout en [SII]. Tous mes filtres sont des filtres ultra sélectifs 3nm (Astrodon).

De plus, ma compagne, qui était là-bas en même temps que moi avec son matériel (monture + CCD aussi) a également pointé le Grand Nuage de Magellan. Après vérification de son image Ha finale, la candidate apparait également.

En espérant une réponse positive de votre part et que l’objet n’ai pas déjà été trouvé (je tente ma chance :) !)

Je reste bien sûr à votre disposition pour toute demande d’informations complémentaires.

Très cordialement,

Bastien Foucher

»

Très gentiment et très rapidement, Pascal me répond :

«

Salut Bastien

Ça se présente bien. À ma connaissance, il n’y a pas de candidate dans cette zone. Peux-tu me communiquer le crop de l’image [OIII] et Halpha de l’objet ?

A+ Pascal

»

Confirmation de la découverte

Finalement, après envoi des éléments et une ou deux nuits sans trop dormir, voici le courriel tant attendu :

«

Bonsoir Bastien

Ok pour les images, merci.

Dommage que ton image [OIII] soit réalisée en binning 2x2 (perte de résolution), mais ce n’est pas grave, la détection est faite.

Sur les images DSS2, on peut voir également du signal sur l’image bleue principalement et un peu de signal sur l’image rouge. Le signal bleu ressort sur l’image couleur.

Absence de signal sur l’image Ir, ce qui est bon signe. Rien de particulier dans l’Ir moyen avec WISE.

Je baptise cet objet Fo 1 (05:40:54.77 -69:26:46.0) et je l’inclus dans la table I comme NP probable, félicitations !

Je vais bientôt faire un mail à Quentin Parker qui regroupera quelques candidates intéressantes répertoriées dernièrement, dont la tienne.

Amicalement

Pascal

»

Et voilà… me voici maintenant découvreur de nébuleuses planétaires. J’ai choisi de renommer ma découverte de Fo 1 en FoGl 1, en ajoutant le nom de ma compagne sans laquelle je ne serais jamais allé au Chili à deux reprises et qui a surtout supporté pendant de longues nuits tous mes états d’âme astrophotographiques :-)

Observations avec un télescope de 1 mètre

La découverte a été réalisée en juin 2018. Mi-septembre 2018, le temps que le Grand Nuage de Magellan refasse son apparition dans le ciel étoilé austral, je décide de réaliser des acquisitions avec un télescope de 1 mètre de diamètre (6,80m de focale) pour voir FoGl 1 un peu plus en détails.

Après empilement des images, l’aspect de disque, caractéristique d’une nébuleuse planétaire, apparaît nettement. On observe également des zones plus denses en périphérie de la nébuleuse.

FoGl 1
FoGl 1. Extrait de l’image réalisée avec le télescope de 1 mètre, en palette de couleurs « HOO ». FoGl 1 (au centre de l’image) possède la forme d’un disque nébuleux, caractéristique d’une nébuleuse planétaire.

On y observe également des zones plus denses en périphérie du disque (à gauche et à droite).

La suite

Pour le moment, FoGl 1 ne possède qu’un statut de candidate. En effet, rien ne prouve qu’il s’agit réellement d’une nébuleuse planétaire : seules des mesures spectrographiques (détermination des gaz constituant un objet céleste par analyse de la lumière qu’il émet), menées par des personnes compétentes, permettront de déterminer sa nature exacte.

Deux statuts existent pour qualifier les découvertes de nébuleuses planétaires :

  • Les nébuleuses planétaires « possibles » : elles ont un aspect de disque avec une étoile bleue centrale ;
  • Les nébuleuses planétaires « candidate » : ce sont des nébuleuses planétaires « possibles » mais présentant en plus une image en [OIII] brillante. Il s’agit de la classification pour le moment retenue pour FoGl 1.

D’après Pascal Le Dû, déterminer la nature réelle de FoGl 1 pourra prendre du temps, le travail de confirmation des nébuleuses planétaires candidates étant très important dans l’hémisphère Sud.

Aujourd’hui encore, je ne comprends toujours pas comment cette petite nébuleuse n’avait pas été découverte. Elle était là, très bien cachée, au beau milieu d’une des nébuleuses les plus photographiées, sous les yeux de tous. Il fallait juste utiliser la bonne technique d’imagerie pour la débusquer.

Mise à jour 13/03/22

L’analyse spectrale est disponible ici.

NGC 2070, la nébuleuse de la Tarentule en palette « Hubble ». Au centre de l’image se trouve un tout petit disque bleu : il s’agit FoGl 1.

Astrophotographie avec un réflex (ou un hybride…)

Pour vous aider à débuter ou progresser en astrophotographie avec votre réflex ou votre hybride, j’ai réuni en un livre électronique de 213 pages des techniques issues de plus de 15 années de pratique de la discipline.

Au sommaire :

  • Pour chaque thème, des expériences terrain et un tutoriel détaillé de traitement avec Photoshop.
  • Voie lactée et arches de Voie lactée.
  • Aurores boréales.
  • Pluies d’étoiles filantes.
  • Ciel profond (nébuleuses, galaxies…) (43 pages).
  • Lune et comètes.
  • Visites virtuelles.
  • Imprimer ses astrophotographies.

Pour aller plus loin…